Petites violences ordinaires

Je serais incapable de dire à quel moment les choses ont basculé. Tout s’est passé lentement, insidieusement.

De « Est-ce que ça te dérange si je m’absente fin avril ? » à « Je ne serai pas là ce week-end. »
De « Est-ce que ma sœur peut venir faire du vélo avec nous ? » à « C’est mieux si tu restes à la maison, tu ne pédales pas assez vite pour nous suivre. »
De « Je te trouve vraiment très jolie. » à « Ce serait bien que tu perdes un peu de poids. »
De « J’aimerais bien qu’on emménage ensemble. » à « J’ai mis tes affaires par terre pour que tu ranges. »
« Tu ne cherches pas à t’intégrer dans ma famille. »
« Il n’était pas bien terrible, ce gîte que tu as choisi pour les vacances. »
« Ta nouvelle coupe de cheveux t’a fait prendre dix ans. »
« Tu me manques de respect. »
« Tu ne fais aucun effort. »
« La moindre des choses, ce serait de… »

Les répliques sont toujours restées coincées au fond de ma gorge. Les marques de mépris que je recevais, jour après jour, étaient venues à bout de ma confiance en moi. Pire encore, j’avais fini par craindre l’homme qui régnait en despote dans ma propre maison.

« Je t’aime. » A chaque bisou, à chaque départ, à chaque fin de phrase. Comme un fruit avarié que l’on serait obligé de manger matin, midi, et soir. A en vomir.

De colères muettes en espoirs constamment déçus, mes sentiments ont fini par s’estomper. Puis il y a eu la phrase de trop, celle qui a enfin rendu la situation limpide.
« Mais qu’est-ce que tu fais d’intéressant dans la vie, toi, de toute façon ? »
J’en aurais hurlé de rage.
Il avait raison : dans son ombre, pliée en quatre pour tenter de satisfaire ses exigences, je n’étais plus qu’une version appauvrie de moi-même. Il était grand temps de remettre de l’ordre.

Bye bye, et Merci pour ce moment.

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