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Très bonne visite. Cécile

Dans les bottes d’une WOOFeuse de proximité

Du WOOFing, pourquoi ?

Autant le dire tout de suite : à base, je me fiche totalement de l’agriculture Bio.

Comment est-ce que je me retrouve à faire du WOOFing à la Ferme Bio des Chabannes ?

C’est d’abord une volonté de réduire notre impact carbone et de fonctionner en Zéro Déchet, de retrouver du contact humain en faisant nos courses dans des petites structures locales, qui nous amène à commander une partie de nos légumes auprès de Didier Morvan via l’AMAP le Panier Bio de la Vallée.

Vient ensuite une autre envie qui se transforme au fil des années en besoin viscéral : gagner en autonomie alimentaire. Me former à la reconnaissance des plantes sauvages comestibles, faire pousser mes propres légumes dans le jardin, me mettre sérieusement aux fourneaux pour transformer des produits bruts de qualité (pas forcément Bio) en bons petits plats, pains et conserves. Mais j’ai clairement besoin de progresser !

C’est enfin un questionnement sur nos politiques nationales et Européennes. Début 2024, en pleine crise agricole, Didier Morvan se définit comme un « paysan heureux ». Je suis curieuse de savoir comment Didier fonctionne sur sa ferme et si son modèle économique est généralisable.

Voilà donc comment, un mardi soir en récupérant mon panier de légumes, je pose la question qui me brûle les lèvres depuis plusieurs semaines : Didier, prenez-vous des WOOFeurs? L’aventure démarre en février 2024. J’enfile un vieux jogging, des bottes et me rends pour la première fois chez Didier et Christiane. Que fait-on chez un maraîcher ?

Les semis

Une partie du travail se fait à la serre. Le maraîcher peut produire ses propres graines mais pas nécessairement, c’est le travail des semenciers. Il peut également faire ses semis lui-même, ou choisir de commander des plants auprès d’un pépiniériste.

Dans la serre on sème, on arrose à l’eau de pluie, on surveille, on repique… avec le retour du soleil de mars, il fait chaud dans la serre et je rêve déjà de brochettes de tomates cerises sur la terrasse. Je suis à mon aise dans ce petit espace, je crois que c’est l’aspect du travail que je préfère.

En février, on réceptionne les nouvelles semences, les sacs de terreau, les plants de pomme de terre (tout cela certifié Bio). Didier s’adapte à ma faiblesse de femme ma volonté de préserver mon dos : on ouvre les sacs de 25kg de patates et on les répartit dans des cagettes avant de les entreposer sur leur lieu de germination.

Les plantations

Au printemps vient le temps des plantations. Mais il y a d’abord du boulot de préparation ! Dans les tunnels, retirer les vieilles bâches plastique abimées, désherber (à la main), travailler la terre avec le cultivateur puis la fraise, dérouler de nouvelles bâches… Dans les champs, faire sécher et plier les voiles d’hivernage, ranger le système d’irrigation pour pouvoir passer le broyeur.

On installe les fèves, échalotes, l’ail, les pommes de terre en plein champ. La planteuse permet normalement de gagner du temps et de la régularité … sauf quand c’est moi qui suis chargée de planter les échalotes à l’arrière du tracteur! Il va me falloir de l’entraînement pour ne pas les balancer en dehors du sillon, je vous le dis. Dans les tunnels, on plante les choux raves et Pak Choï, navets, laitues, à la main sur la bâche.

L’entretien des cultures pérennes

Le maraîchage, c’est l’entretien de cultures annuelles mais aussi de cultures pérennes ou semi-pérennes : les artichauts, asperges, le verger … Désherbage, broyage, élagage, apport d’engrais. Je suis initiée au lancer de branches de pommiers – sous une grosse pluie, sinon ce n’est pas marrant.

La récolte, la préparation et la vente

Quand les fruits et légumes sont arrivés à maturité, on récolte! Si certains sont stockés sur de longues périodes (pommes, kiwi, courges, pommes de terre), la plupart sont vendus ultra-frais, notamment les légumes-feuilles cueillis du jour. En février-mars, cela veut dire patauger dans la boue des champs détrempés par les pluies hivernales, arracher un par un des choux de Bruxelles mouillés dans le froid du matin, laver les poireaux dehors alors qu’on a déjà les bouts de doigts gelés. Les épinards sous le tunnel, c’est plus cool.

Didier vend ses légumes sous forme de paniers le mardi soir à l’AMAP, les jeudis et vendredis après-midi au détail directement à la ferme. La composition des paniers vise à proposer la plus grande variété possible dans le respect de la saisonnalité, avec des prix justes à la fois pour le producteur et le consommateur. Dans la boutique le mardi, on prépare : pesées, mise en valeur, on veut des paniers qui donnent envie !

Les sauvageonnes

Je ne suis pas la seule à m’intéresser aux plantes sauvages comestibles ! Aux Chabannes, je trouve bien sûr du pissenlit, du plantain, de l’ortie, des coucous, mais aussi un merveilleux parterre d’ail des ours. Didier me fait découvrir le plantain « corne de cerf » dont je n’avais jamais entendu parler, et goûter des fleurs de cardamine, super bonnes. Maintenant, en me baladant, j’en vois partout !

Les animaux

Une ferme maraîchère, c’est rarement juste des fruits et légumes. A la ferme Bio des Chabannes, il y a aussi une trentaine de poules qui fournissent de bons œufs frais, deux ânes et trois brebis – responsables d’une tonte écologique au verger. En mars, on s’occupe de l’entretien des pieds. Avez-vous déjà essayé d’attraper une brebis ? Moi, je ne pensais pas avoir un jour peur d’une brebis qui me fonce dessus qui essaie juste de s’échapper! Aïe aïe aïe …

En conclusion

Le WOOFing, c’est une aventure humaine, où l’on partage pour quelques semaines le mode de vie d’une famille, ses horaires, ses repas. On se confronte à d’autres idées, on élargit son champs de vision. Chez Didier et Christiane, j’ai retrouvé l’agréable saveur de mes premiers jobs étudiants. Savoir ce qui est attendu, prendre du plaisir dans l’effort, observer mes réussites, me sentir utile et reconnue. Merci.

Cela ne veut pas dire que le métier de maraîcher est facile : il faut aimer être dehors toute l’année, par tous les temps. C’est un métier physique, qui nécessite d’être adaptable, résilient, polyvalent, de savoir communiquer aussi. Cultiver en Bio apporte à la fois des contraintes, puisqu’on exclut tout traitement chimique, et de grandes satisfactions : quel bonheur d’observer les coccinelles sur les artichauts! C’est faire le choix de produire une alimentation qualitative tout en respectant au maximum l’environnement et la biodiversité, en préservant sa santé et celle des consommateurs.

Quand on a travaillé un peu en maraîchage, on réalise que chaque légume, trop gros ou trop petit, biscornu, un peu flétri, est le fruit du travail précieux d’hommes et de femmes. Alors non, on ne jette pas la pomme avec un petit défaut ou la patate avec quelques germes. On valorise les feuilles de chou fleur, les fanes de radis, les tiges florales de choux, on épluche moins ses légumes. Ici, Bio et Zéro Déchet se rejoignent.

Après mon passage chez Didier, j’ai compris en quoi il était urgent d’arrêter d’acheter ces légumes « pas chers » et mal produits, mal conservés, transportés sur de longues distances, achetés aux agriculteurs pour des prix dérisoires. Après tout, on n’a qu’un seul corps, qu’une seule terre, et ceux qui produisent notre alimentation méritent notre plus grand respect. Mon niveau d’exigence est encore monté d’un cran : je veux toujours du local et du Zéro Déchet, mais maintenant je le veux Bio.

Cauchemar sous cellophane

Devant moi, l’océan. Une gigantesque vague, du sable. Le chant des oiseaux. L’abondance.
Il y a du plastique, comme à la plage. Il manque juste l’odeur iodée.
Le maître nageur finit par arriver. Dans son exosquelette de 40 tonnes, il dompte l’écume. Inlassablement.

Ici, c’est une marée qui monte, sans jamais redescendre. En cherchant bien, on y trouverait de quoi boire, manger et dormir. C’est ce que font les buses et les cigognes. Sont-elles plus malignes que nous ?

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Un vertige m’a envahie. Je suis rentrée de la plage essoufflée.
J’ai hurlé sur ceux qui alimentent la marée noire et j’ai maudit notre espèce toute entière.
J’ai réfléchi. Et puis j’ai ralenti.
J’ai cuisiné les bons légumes de notre maraîcher. J’ai fait infuser nos feuilles de verveine et de framboisier. Le nez dans les livres, les mains dans la terre, je me suis enfin sentie nourrie.
Alors j’ai semé, avec acharnement, des petites graines dans les jardins, dans les cœurs et les esprits.
Je continuerai de semer.
Car, je le crois, seuls les arbres et l’amour seront une digue possible contre le tsunami à venir.

C’est maintenant qu’on profite de la vie

Toute mon enfance, mon grand-père n’a eu de cesse de me répéter :
On ne remet pas au lendemain ce qu’on peut faire le jour-même.

Je comprenais la surface du message. On ne laisse pas la vaisselle s’accumuler dans l’évier. On ne laisse pas le jardin se transformer en prairie. On garde sa maison et le dessous de ses ongles propres.
Je soufflais : quel discours raisonnable pour une petite fille qui voulait juste courir et jouer !

Au camping d'Uzerche

Aujourd’hui, mon grand-père est parti et je perçois l’autre versant de son discours.
On n’attend pas demain pour laisser derrière ce qui nous pèse, nos conflits intérieurs, nos rancunes.
On n’attend pas demain pour aller voir ceux qui comptent, pour leur dire qu’on les aime.
On n’attend pas demain pour être en accord avec nous-mêmes, pour nous rappeler de nos rêves d’enfant.
C’est maintenant qu’on profite de la vie.

On ne remet pas au lendemain ce qu’on peut faire le jour-même, c’est un message puissant et positif, qui nous invite à l’action et ne laisse pas de place aux regrets. Il me guide, me donne de la force, m’autorise à suivre ma propre voie en savourant chaque petit pas qui me rapproche de mon idéal.

Merci Papi, de continuer à m’accompagner (et à me mettre des coups de pieds aux fesses!).

Réserve ornithologique du Teich (33)